OPA Poétique

Les « défense d’afficher » se sont dilués dans une OPA agressive de l’environnement visuel. Les « Vous m’avez vu ? On vous verra », invective brutale destinée à refourguer toujours plus de non-lieux sacrifiés sur l’autel de la consommation/croissance, jalonnent les bords de route, incrustent les coins de murs jusqu’alors restés discrets faisant profil bas face au bulldozer du marketing publicitaire.

Face à cette oppression colonisant l’environnement visuel commun, la résistance s’est organisée en se réappropriant cet espace subrepticement, reconquérant cette zone de liberté. Usant des mêmes codes et méthodes que l’industrie publicitaire, elle s’est pensée, développée et étoffée de manière construite ou sauvage.

Baignés dans la pop culture, les artistes de l’art urbain s’en sont particulièrement saisi : Le tag est originellement la marque d’un artiste, un logotype répété à l’envi dans l’espace, murs ou transports en commun se nichant dans des zones clés garantes d’une hyper visibilité. Les artistes ne font pas que récupérer ces zones subtilisées par la société de consommation, ils en détournent aussi les médiums à l’instar du sticker ou du pochoir.

Aussi, le projet Oripeau semble s’inscrire dans cette démarche. Pastichant un panneau publicitaire, la copie se transforme en objet hautement poétique. Ne vendant rien ou personne, s’affichant sans aucune forme de rapport pécuniaire, ce grand format destiné à l’affichage s’habille de créations graphiques et use des outils de reproduction en série, procédés d’impression qui permettent à Oripeau de se renouveler dans cesse. Plus qu’une surface à exploiter, le panneau devient une fenêtre ouverte sur une infinité d’horizons.

En effet, il ne s’agit pas là de ne produire qu’une image, une matière à voir mais bien d’offrir à penser et à créer. La diversité des pratiques trouve sa place ici puisque s’y croisent aussi bien des productions graphiques, plastiques, photographiques que des réflexions littéraires outre la multiplicité des identités qui s’y retrouvent. En effet, s’il est initié par l’Atelier la Casse, Oripeau se distingue par cette dimension collaborative qui en fait un projet co-conçu par tous et pour tous éclatant toute forme de frontières. La nature des contributions est large tout comme l’ancrage géographique de ses protagonistes.

Oripeau est pluriel et unique, réunissant en un seul plan, une profusion créative. Ce cadre, en premier lieu énigmatique, insuffle une poésie modeste et rend au consommateur sa nature de regardeur, reconquiert la curiosité et la surprise du promeneur. Cette étrange lucarne laisse voir un panorama mouvant et inattendu, parenthèse suspendue dans un monde saturé de messages.